Préface

L’eau garde toujours très longtemps le souvenir du jour.

(La Guinguette)

 

La série  des Légendes, publiées ces dernières années à Bangkok par l’éditeur Khao Fang, et, plus récemment, le roman Jésus, le fils du charpentier, traduit avec succès en langue siamoise, ont fait de Bernard Clavel l’un des écrivains français les plus connus et appréciés du jeune public thaïlandais.

La Guinguette qu’on va lire ici intéressera davantage un public d’adultes. 77ème ouvrage de Clavel, le texte s’apparente de loin au genre policier, dont il reprend certains traits, tout en empruntant les caractéristiques du récit initiatique et certains éléments du tragique.

 

 

 

Félicienne Marquand tient un estaminet de « pirates » au bord du Rhône avant la modernisation du grand fleuve, dans les années 1950. Paul, son fils unique de 19 ans, passeur lui aussi, a été battu à mort par un brigadier dans un commissariat de police. La mère décide de faire elle-même justice. Sa vengeance (que je ne dévoilerai pas ici) marque la fin flamboyante du roman de Clavel, dans une fusion d’amour et de mort qui caractérise le trépas des grands mystiques.

 

Proche de Giono dans son exubérante exaltation d’un monde sacralisé et ritualisé, Clavel s’inscrit dans la tradition hellénique par la fusion, dans un jeu subtil de clair-obscur, du mythe et du réel quotidien, du cosmos et du petit monde des humbles. La Guinguette alterne les images du Déluge biblique et d’une descente aux enfers, et la douleur lancinante d’une mère au bord d’un fleuve menaçant. De crue en décize, le Rhône, qui joue un rôle central ici comme dans Seigneur du fleuve et Pirates du Rhône – autres romans de Clavel –, habite la vallée, rythme la vie des hommes,  s’anime, s’emporte, œuvre comme une force. Pareil au Démiurge des Grecs ou au  Grand Tout, il reprend à lui la mère et le fils, et ceux qui à la fois ont « le fleuve dans le sang » et sont nés « le cul dans l’eau ».

 

La vengeance de la Guinguette, réplique française de la Mère Courage de Bertolt Brecht, est une guérison et une délivrance. Elle fonde le récit d’une répétition et d’un piège tendu au meurtrier comme la boucle d’une corde. Ce sont ce caractère inexorable de la mort et son inscription dans l’univers des éléments, qui confèrent au roman de Bernard Clavel sa beauté profonde et sa dimension tragique :

 

« Tout faire et crever au bout ! »

 

Au moment de quitter la Thaïlande, j’aimerais remercier de son excellente traduction en langue siamoise Supaporn APAWACHARUT, professeur de langue et de littérature françaises à l’Université de Chiang Mai, et Silpachai CHINPRASERT, son éditeur de Bangkok.

 

Puisse le lecteur thaïlandais être sensible, comme eux et comme moi, à la beauté de ces êtres et de ces lieux fièrement campés, ainsi qu’à la maîtrise d’un récit ferme et captivant.

 

            Bangkok, mousson 2002

            Michel Wattremez

 

Bernard Clavel, La Guinguette, traduit en thaï par Supaporn Apawacharut, Bangkok, Khao Fang Publishing Co. Ltd, 2003.  
Préface de Michel Wattremez.

(c) Editions Albin Michel SA, 1997, pour la version française

(c) Khao Fang Publishing Co., Ltd., 2003, pour la version thaïlandaise

ISBN 974-7406-70-5    Prix : 140 THB

 Présentation de la couverture en langue siamoise

 

 

L'auteur


Bernard Clavel est né dans le Jura en 1923. Il a pratiqué de nombreux métiers avant de pouvoir se consacrer à l'écriture. Il a publié plus de 80 livres, dont certains ont été vendus à des millions d'exemplaires, et il a obtenu de nombreux prix littéraires, notamment le Goncourt en 1968, pour Les fruits de l'hiver. Bernard Clavel a été désigné par un sondage SOFRES comme l'un des trois écrivains préférés des Français. Parmi ses romans célèbres: la série des "Colonnes du ciel, de "La grande patience", L'Espagnol...
Il a écrit beaucoup pour la jeunesse, notamment le livre  que voici.

 

Bernard Clavel,

le site officiel

Bernard Clavel est mort le 5 octobre 2010.

 

 


 

La traductrice

Supaporn Apawacharut est professeur à l'Université de Chiang Mai et possède un doctorat de 3e cycle de l'Université de Paris III Sorbonne Nouvelle. Elle est Chevalier des Palmes Académiques. Elle consacre la plupart de son temps à la traduction de la littérature française contemporaine en thaï. En particulier elle a publié chez Khao Fang de nombreuses légendes de Bernard Clavel.

 

 

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