Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre

EAF 2016

1ST2S2

Séquence nº 3: la poésie amoureuse du Moyen Âge à nos jours

 

Devoir surveillé

Conception: M. Wattremez

 

Question sur corpus nº 1 - sujet

 

Après avoir lu attentivement les textes du corpus, vous répondrez à la question suivante de façon organisée et synthétique.

De quelle manière les 4 poèmes d'amour traitent-ils en poésie le thème de l'amour? Vous analyserez non seulement les ressemblances mais aussi les différences.

Corpus : 
Texte A : Pierre de Ronsard, "Comme on voit sur la branche...", Sur la mort de Marie, 1578

Texte B : Charles Baudelaire, "A une passante", Les Fleurs du Mal, 1857, "Tableaux parisiens"
Texte C : Louis Aragon, "Il n'y a pas d'amour heureux", La Diane française, 1946
Texte D : Simonne Michel Azaïs, "Seule", Poèmes interdits, 1953

 

Texte A  

             Comme on voit sur la branche...

 

Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :
 
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :
 
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
 
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.

Pierre de Ronsard, Sur la mort de Marie, 1578

Texte B  

                   À une passante

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,       
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857, "Tableaux parisiens"

 

Texte C  

             Il n'y a pas d'amour heureux

 

Rien n’est jamais acquis à l’homme ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n’y a pas d’amour heureux

Sa vie elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots ma vie et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureux

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux

Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux

Louis Aragon, La Diane française, 1946

 

Texte D

              Solitude

C’est l’heure où je suis seule
C’est l’heure du jardin
Qu’on arrose
Et des senteurs mouillées
Qui montent des gazons
C’est l’heure où ton désir
Vient émouvoir ma croupe
Egarer ma main blanche
Et caresser mes seins
C’est l’heure où nos parfums
D’imprécises musiques
Et mes rêves épars
Font jaillir de ma chair
Les soupirs de la nuit
C’est l’heure où sans témoins
Que ces riens
Impalpables
Je peux
Tout à loisir
M’aimer
De ton amour

Simonne Michel Azaïs, Poèmes interdits, 1953

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