Lycée Joliot Curie 92000 Nanterre

1S3 (2018-2019, français)

Séquence nº 4: Poésie et deuil, « Pauca meae » de Victor Hugo (Les Contemplations, livre IV, 1856)

Documents complémentaires

Auguste de Châtillon, « Léopoldine au Livre d'Heures », peinture, vers 1835, maison de Victor Hugo, Hauteville House

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source de l'image: commons.wikipedia.org

Interprétations possibles

Ce portrait de Léopoldine Hugo (1824-1843) par Auguste de Châtillon date d'environ 1835 et a sans doute été exécuté à l'occasion de son 11e anniversaire. En effet en haut à droite sur 2 lignes on lit la mention "28 août 1824-28 août 1835".

Léopoldine est peinte "en demi-figure" (portrait s'arrêtant à mi-corps), de trois-quarts. Ce choix du peintre met en valeur l'intériorité et la fragilité de Léopoldine, dont le visage en partie rayonne, en partie s'obscurcit, en même temps qu'il attire le regard vers le livre d'heures (prières) que feuillette la fille de Victor Hugo. Il s'agit d'un manuscrit enluminé de miniatures religieuses, que possédait probablement l'écrivain dans son appartement de la place des Vosges, et qui traduit la fascination des Romantiques pour le Moyen Âge.

Le portrait de Léopoldine est resté accroché aux murs de l'appartement du poète à Paris, puis, obsédant, l'a suivi en exil à Guernesey à Hauteville House, avant de revenir à Paris en 1947. Il est important d'insister sur la force mémorielle de l'oeuvre d'art. Comme les poèmes élégiaques de Pauca meae, mais de manière visuelle (non pas par les mots et le chant dans une quête orphique), le portrait de la disparue en pleine jeunessse (Fracta Juventus, "Jeunesse brisée", est le titre d'un dessin de Victor Hugo) exprime paradoxalement et douloureusement la perte, le vide, le néant de Léopoldine disparue. L'Italien Leon Battista Alberti n'écrivait-il pas déjà en 1435, dans De Pictura, que le portrait rend "présents ceux qui sont absents"... ou morts?

Ces mots pourraient éclairer notre lecture du livre IV des Contemplations.

Pour finir, deux éléments renforcent l'expression douloureuse du tableau d'Auguste de Châtillon. Notons d'abord le caractère presque prémonitoire de la miniature représentée à gauche du livre d'heures, si l'on observe bien. Il s'agit du thème de la dormition de la Vierge Marie, en lien symbolique avec la noyade de Léopoldine dans la Seine: ainsi alternent d'un côté un endormissement paisible, et de l'autre une mort violente par noyade. En contraste avec cet aspect sombre du tableau exprimé également par la partie supérieure obscure, le rouge de la fleur à l'oreille de Léopoldine, la rubrique du bréviaire, le vermeil de la robe à pois noirs, les fleurs rouges et blanches sur la tapisserie du fauteuil, rendent de manière poignante la beauté éphémère de la vie.

C'est surtout l'imbrication des éléments visuels qui peut nous fasciner dans cette toile d'Auguste de Châtillon. Trois cadres se renvoient les uns aux autres: l'ovale doré du fauteuil à motifs floraux, le quadrilatère du livre d'heures en partie hors-champ, le tableau lui-même. De ces trois espaces esthétiques en harmonie, la beauté rayonnante de Léopoldine semble surgir comme une apparition, en se retournant vers nous qui regardons le tableau.

Qu'essaie-t-elle de dire?

Huile sur toile, hauteur 0,73m, longueur 0,60m, Paris, Musée Victor Hugo

MW 11/05/2019

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Auguste de Châtillon

(1808-1881)

XIXe siècle (19e s.)

 

Ce peintre, sculpteur et poète français du XIXe siècle, a fait partie, avec Gérard de Nerval, Camille Rogier, Théophile Gautier et Arsène Houssaye, du cercle de la "bohème du Doyenné", qui réunissait, dans une impasse à Paris en 1835-1836, près des Tuileries, de jeunes artistes épris de liberté et de beauté.

 

Châtillon a peint entre autres plusieurs portraits de la famille de Victor Hugo, dont celui de Léopoldine. (MW)