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       Lycée
      Joliot Curie 92000 Nanterre 
      EAF
      2016 
      1ST2S2 
	  (français) 
      Séquence
      nº 2: le personnage de roman et son mentor 
      Documents
      complémentaires 
      Choderlos
      de Laclos, Les liaisons dangereuses, 1782
       
       
      
      
       
        
      LETTRE
      XXXVIII
      
       
      LA
      MARQUISE DE MERTEUIL AU VICOMTE DE VALMONT
      
       
      
       Ne pouvant m'occuper, je me
      distrais avec la petite Volanges ; et c'est d'elle que je veux vous
      parler. 
      Savez-vous que vous avez perdu plus que vous ne croyez, à ne pas vous
      charger de cet enfant ? elle est vraiment délicieuse ! cela n'a
      ni caractère ni principes ; jugez combien sa société sera douce et
      facile. Je ne crois pas qu'elle brille jamais par le sentiment ; mais
      tout annonce en elle les sensations les plus vives. Sans esprit et sans
      finesse, elle a pourtant une certaine fausseté naturelle, si l'on peut
      parler ainsi, qui quelquefois m'étonne moi-même, et qui réussira
      d'autant mieux, que sa figure offre l'image de la candeur et de l'ingénuité.
      Elle est naturellement très caressante, et je m'en amuse quelquefois :
      sa petite tête se monte avec une facilité incroyable ; et elle est
      alors d'autant plus plaisante, qu'elle ne sait rien, absolument rien, de
      ce qu'elle désire tant de savoir. Il lui en prend des impatiences tout à
      fait drôles ; elle rit, elle se dépite, elle pleure, et puis elle
      me prie de l'instruire, avec une bonne foi réellement séduisante. En vérité,
      je suis presque jalouse de celui à qui ce plaisir est réservé. 
      Je ne sais si je vous ai mandé que depuis quatre ou cinq jours j'ai
      l'honneur d'être sa confidente. Vous devinez bien que d'abord j'ai fait
      la sévère : mais aussitôt que je me suis aperçue qu'elle croyait
      m'avoir convaincue par ses mauvaises raisons, j'ai eu l'air de les prendre
      pour bonnes ; et elle est intimement persuadée qu'elle doit ce succès
      à son éloquence : il fallait cette précaution pour ne me pas
      compromettre. Je lui ai permis d'écrire et de dire j'aime ;
      et le même jour, sans qu'elle s'en doutât, je lui ai ménagé un tête-à-tête
      avec son Danceny. Mais figurez-vous qu'il est si sot encore, qu'il n'en a
      seulement pas obtenu un baiser. Ce garçon-là fait pourtant de fort jolis
      vers ! Mon Dieu ! que ces gens d'esprit sont bêtes !
      celui-ci l'est au point qu'il m'en embarrasse ; car enfin, pour lui,
      je ne peux pas le conduire ! 
      C'est à présent que vous me seriez bien utile. Vous êtes assez lié
      avec Danceny pour avoir sa confidence, et s'il vous la donnait une fois,
      nous irions grand train. Dépêchez donc votre Présidente, car enfin je
      ne veux pas que Gercourt s'en sauve : au reste, j'ai parlé de lui
      hier à la petite personne, et le lui ai si bien peint, que quand elle
      serait sa femme depuis dix ans, elle ne le haïrait pas davantage. Je l'ai
      pourtant beaucoup prêchée sur la fidélité conjugale ; rien n'égale
      ma sévérité sur ce point. Par là, d'une part, je rétablis auprès
      d'elle ma réputation de vertu, que trop de condescendance pourrait détruire ;
      de l'autre, j'augmente en elle la haine dont je veux gratifier son mari.
      Et enfin, j'espère qu'en lui faisant accroire qu'il ne lui est permis de
      se livrer à l'amour que pendant le peu de temps qu'elle a à rester
      fille, elle se décidera plus vite à n'en rien perdre. 
      Adieu, Vicomte ; je vais me mettre à ma toilette où je lirai votre
      volume. 
                                                                                                            
      De … ce 27 août 17**.
      
       
                                                                
      
       
      
       
      Uma Thurman
      et Glenn Close dans Les liaisons dangereuses de Stephen Frears,
      1988. Retour
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     Pierre
    Choderlos de Laclos (1741-1803) 
    XVIIIe
    siècle (18e s.) 
      
     
    Intérêt
    pour l'enquête   
      
    Le
    texte de Laclos nous présente cette fois un mentor féminin en la personne d'une
    libertine, la marquise de  Merteuil, confidente de Valmont à qui elle
    écrit cette lettre. Elle apparaît comme un mentor négatif, trompeur et
    cynique, qui manipule sa jeune élève, la jeune et naïve Cécile de
    Volanges, au lieu de faire son éducation amoureuse. On voit ici Mme de
    Merteuil préparer un piège à la jeune fille en la jetant dans les bras de
    Danceny afin de déshonorer le futur mari de Cécile, Gercourt. Génie du
    mal? 
     
      
      
      
      
      
     
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